Mais celui qui trace une perspective, flatte le peuple & les ignorans, parce qu’il ne leur fait rien connoître, & leur offre seulement l’apparence de ce qu’ils connoissoient déjà. […] Convenons donc que tous les Poëtes, à commencer par Homere, nous représentent dans leurs tableaux, non le modèle des vertus, des talens, des qualités de l’ame, ni les autres objets de l’entendement & des sens qu’ils n’ont pas en eux-mêmes, mais les images de tous ces objets tirées d’objets étrangers ; & qu’ils ne sont pas plus près en cela de la vérité, quand ils nous offrent les traits d’un Héros ou d’un Capitaine, qu’un Peintre qui, nous peignant un Géometre ou un Ouvrier, ne regarde point à l’art où il n’entend rien, mais seulement aux couleurs & à la figure. […] En imposant silence aux Poëtes, accordons à leurs amis la liberté de les défendre & de nous montrer, s’ils peuvent, que l’art condamné par nous comme nuisible, n’est pas seulement agréable, mais utile à la République & aux Citoyens.