Tout à la fois sujet de concorde ou de dissensions, instrument de paix ou de vengeance, préconisée par les uns et méconnue des autres, elle soutient le faible et l’affligé de ses douces espérances, en même temps qu’elle sert de masque à l’hypocrite, de crédit aux dévots, de ressource à tous ceux qui savent la tourner à leur profit. Son premier but fut de servir de frein aux mauvaises passions des hommes, et de rétablir parmi ceux-ci les saintes lois de la fraternité, le règne de la justice et de l’union. […] Ce n’était plus alors que des mélanges de farces à la fois pieuses et impures, dont les spectateurs, il est vrai, n’avaient pas l’esprit de voir tout le ridicule, mais qui ne devaient pas moins servir un jour de prétexte à la critique. […] IV : que « de illa arte vivere non est prohibitum » ; le clergé, disons-nous, commença par excommunier les représentants de la scène, et, sacrifiant jusqu’à la cupidité, il finit par leur refuser les secours onéreux1 des sacrements, en dédaignant de servir de si indignes rivaux, et hâtèrent la propagation du théâtre par leurs révoltantes persécutions. […] Mais jetons un coup d’œil rapide sur les ministres d’une religion austère, sur ceux mêmes qui en suivent extérieurement les préceptes, sur tous ceux qui la font servir à leurs lâches projets, soit pour satisfaire leur envie, soit pour protéger leur ambition, et nous trouverons comme compagnes inséparables de leurs caractères : l’insatiabilité, qui les rend avides de richesses, d’honneurs et de vénération servile ; l’égoïsme, qui les porte à tout faire pour eux-mêmes et à ne rien rapporter aux autres ; insensibilité, qui, après avoir endurci leurs cœurs à la vue des maux qui accablent l’humanité, à l’aspect des souffrances qui précèdent la mort, et que, dans leurs exercices, ils sont appelés à contempler, rend leur âme inaccessible aux douces impressions de la vertu et aux charmes de la sociabilité ; la cupidité, qui les rend sévères pour ceux dont la misère réclame des soins qu’elle ne peut assez récompenser, adulateurs et serviles auprès de ceux à qui les richesses et le faste permettent de faire de nombreux sacrifices.