/ 427
96. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE IV. Des Pièces pieuses. » pp. 68-95

Ils le paient cher ; la raillerie ne manque pas de faire sentir le contraste de la dévotion et de la comédie, si peu faites pour être unies. […]  16.), quoique peut-être un peu trop fort, car Racine fut toujours honnête homme : « Racine aime Dieu comme sa maîtresse, il est pour les choses saintes comme pour les profanes, tout lui est égal. » Jésus-Christ allant chez le Prince de la Synagogue pour ressusciter sa fille, y trouva des joueurs de flûte et une troupe de gens qui la pleuraient, selon l’usage du temps, où l’on avait des pleureurs à gages, et un orchestre qui jouait des airs tristes et lugubres, Tibicines, et turbam, tumultuantem Tout ce qui sent la comédie n’est ni dévot ni sage. […] Mais la représentation théâtrale réunit tout, enchérit, l’emporte sur tout : ce sont des hommes et des femmes véritables, qui parlent, sentent, agissent ; c’est à la fois la poésie, la danse, la musique, la peinture, la sculpture, mille fois plus vives que sous les plus savantes mains, puisqu’elles sont animées. […] Qu’ils peignent toutes les passions, à la bonne heure ; ils les sentent, ils y sont livrés, leur cœur en est le premier théâtre, de l’abondance du cœur la bouche parle, la nature agit et tient le pinceau ; les intrigues, les galanteries font tout le tissu de leur vie ; ils font sur la scène ce qu’ils font ailleurs. […] Le faux est toujours fade, ennuyeux, languissant ; Mais la nature est vraie, et d’abord on la sent. » Dans les pièces de Communauté, où les Acteurs sont communément des gens de bien, on sent qu’il leur en coûte de remplir les rôles de scélérat ; la vertu, timide et déconcertée, ne s’y prête qu’à regret.

/ 427