L’on sent bien que, quelles que soient les mœurs d’un Petit-maître & ceux de la Coquette qui le subjugue, ils ne trouveraient pas grand plaisir l’un & l’autre, à répéter des couplets indécens, mais pourtant mille fois au-dessous du libre de leurs conversations particulières & de leurs Billets-doux : c’est du tendre qui les charmera : ils se passioneront en le chantant : c’est un sentiment inéprouvé ; c’est du neuf pour eux ; ils en sont enchantés : sans rien sentir, ils soupirent, & par des mouvemens passionés, ils mentent, avec une volupté qu’eux seuls peuvent apprécier, le sentiment qu’ils ne connaissent pas. […] Annette-&-Lubin avait bien fait soupçonner le pathétique ; mais cette Pièce n’était pas encore décente : elle offrait des images adroitement voîlées, qui ne fesaient qu’iriter l’imagination : On montrait Annette, simple, innocente, vivant avec un garçon, sous le même toît, n’ayant (on ne le disait pas, mais on le laissait sentir) qu’un même lit : De voluptueuses images à chaque scène, émouvaient autant les sens que le cœur.