Qu’il ne choisisse pas un homme vicieux pour le Héros de sa pièce ; car l’on n’est que médiocrement touché de voir un méchant homme tomber dans de grands malheurs, qu’il n’a que trop mérités par ses crimes ; ou si la fortune le favorise, on sent un secret dépit de voir le vice récompensé par de continuelles prospérités. Si Egisthe et Clytemnestre, après leurs adultères et leurs parricides, demeuraient impunis, et s’ils possédaient tranquillement la couronne qu’ils voulaient usurper, on ne pourrait s’empêcher de sentir de l’indignation en les voyant dans la prospérité après tant de forfaits. […] Ce n’est pas que si l’on introduisait un Philosophe sur la scène, on ne lui pardonnât quelque Sentence grave et sérieuse, en faveur de son caractère, pourvu qu’il s’énonce en peu de mots, pour ne pas sentir le déclamateur. […] Il faut que le Poète exprime, et fasse sentir ces incertitudes, pour faire comprendre aux spectateurs, que la raison condamne ces crimes, et que ce sont des effets de la nature corrompue. […] Ceux qui se vantent d’aller à la Comédie et d’en sortir, sans sentir de mauvaises impressions, ne la justifient pas pour cela ; c’est qu’ils ont déjà le cœur et l’imagination gâtés ; la Comédie ne fait autre chose, que de les entretenir dans leurs mauvaises habitudes.