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352. (1667) Lettre sur la Comédie de l'Imposteur « Lettre sur la Comédie de l’Imposteur » pp. 1-124

Il s’étend admirablement là-dessus, et lui fait si bien sentir son humanité et sa faiblesse pour elle, qu’il ferait presque pitié, s’il n’était interrompu par Damis, qui sortant d’un cabinet voisin d’où il a tout ouï, et voyant que la Dame sensible à cette pitié, promettait au Cagot de ne rien dire, pourvu qu’il la servît dans l’affaire du mariage de Mariane, dit qu’« il faut que la chose éclate », et qu’elle soit sue dans le monde. […] » Le Bigot qui se sent pressé et piqué trop sensiblement par cet avis, lui dit : « Monsieur, il est trois heures et demie, certain devoir chrétien m’appelle en d’autres lieux », et le quitte de cette sorte. […] Enfin il ne faut pas, pour dernière objection, qu’on me dise que tous les sentiments que j’attribue aux gens, et sur lesquels je fonde mon raisonnement dans tout ce discours, ne se sentent pas comme je les dis ; car ce n’est que dans les occasions qu’il paraît si on les a, ou non : ce n’est pas qu’alors même on s’aperçoive de les avoir ; mais c’est seulement que l’on fait des actes qui supposent nécessairement qu’on les a ; et c’est la manière d’agir naturelle et générale de notre âme, qui ne s’avoue jamais à soi-même la moitié de ses propres mouvements ; qui marque rarement le chemin qu’elle fait, et que l’on ne pourrait point marquer aussi, si on ne le découvrait, et si on ne le prouvait de cette sorte par la lumière et par la force du raisonnement.

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