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20. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [C] » pp. 391-398

Nous sentons tous que nous ne sommes pas les maîtres de notre sort ; que c’est un Etre supérieur qui nous emporte quelquefois, & le tableau d’Œdipe, n’est qu’un assemblage de malheurs, dont la plupart des hommes ont éprouvé au moins quelque partie ou quelque degré. […] Le Héros pour qui le Spectateur s’intéresse, tombe dans un malheur atroce, effrayant : on sent avec lui les malheurs de l’humanité, on est pénétré, on souffre autant que lui. […] D’ailleurs ce Poète avait des défauts ; il y avait chez lui de vieux mots, des discours quelquefois embarrassés, des endroits qui sentaient le déclamateur. […] Leur supplice, si nous le voyions réellement, exciterait bien en nous une compassion machinale ; mais comme l’émotion que les imitations produisent n’est pas aussi tyrannique que celle que l’objet même exciterait, l’idée des crimes qu’un Personnage de Tragédie a commis, nous empêche de sentir pour lui une pareille compassion. […] On ne saurait blâmer les Poètes de choisir pour sujet de leurs imitations les effets des passions qui sont les plus générales, & que tous les hommes ressentent ordinairement : or de toutes les passions, celle de l’amour est la plus générale ; il n’est presque personne qui n’ait eu le malheur [ou le bonheur, c’est selon] de la sentir, du moins une fois en sa vie.

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