Ces fameux Paladins & leurs dames, dont l’incomparable Dom Quichotte & sa charmante Dulcinée ont si bien fait sentir le ridicule, tout cela n’est plus, & je ne crois pas que le beau sexe regrette ce cruel triomphe. […] Comparez une Actrice avec une Religieuse, & pour mieux sentir le contraste, imaginez une Religieuse sur le théatre au milieu des Actrices, une Actrice dans un chœur de Carmelites au milieu de la Communauté ; comparez cette guimpe, ce bandeau, ce voile, ce scapulaire, cette robe ; avec ce rouge, ces cheveux frisés, ces riches habits, ces parfums, ces pierreries, cette immodestie ; comparez ces yeux baissés, ces regards modestes, ce maintien honnête, ces démarches mesurées, cette voix douce & ferme, avec cette légèreté, ces transports, cette mollesse, ces langueurs, ces regards passionnés, ces yeux perçans, ces tons efféminés, ces attitudes séduisantes ; comparez leurs actions, leurs discours, le chœur où l’on chante les louanges de Dieu, le théatre où l’on célèbre la Déesse d’Amathonte, ces cellules où se pratiquent tant de mortifications, ces coulisses où se prennent tant de libertés, ces parloirs où l’on ne reçoit que des visites de charité ou de bienséance, ces loges où l’on donne des rendez-vous à ses amans, ces discours pieux où l’on ramène tout à Dieu, ces entretiens licencieux qui ne respirent que le plaisir, la débauche, la malignité, ces repas dissolus, ces soupers fins, poussez bien avant dans la nuit, cette vie sobre & frugale, austere même, où la loi du jeûne laisse à peine le nécessaire. […] un vieux libertin, jaloux & dégoûtant, à qui la bourse obtient la préférence, sent-il ce qu’il en coûte de lui sacrifier un jeune Adonis ? […] Mais c’en est assez pour sentir la licence de leur vie, le désordre de leur immodestie, le danger de leur société. […] Peuvent-elles ne pas sentir combien elles sont intéressées à s’en éloigner ?