Lorsque la scène est dans un Sallon, dans un Cabinet, il faut éviter tout ce qui peut rappeler au Spectateur qu’il est au Théâtre : il serait à propos que les Coulisses semblassent absolument fermées ; que les Acteurs ne pussent entrer ou sortir que par les issues convenables au lieu où ils s’entretiennent ; qu’un Sallon eût au plus deux portes ; je voudrais même que dans les Pièces à composer, où le lieu ne prêtera jamais, & sera le plus ordinaire possible, on se restreignit la plupart du temps à une seule entrée : aujourd’hui, lorsqu’un personnage à fuir se présente, la trop grande facilité de l’éviter, détruit tout le plaisir de l’embarras, & nous prive d’une quatrième espèce de comique, que j’appelerais comique de position, & qu’on pourrait ajouter au comique de pensées, de sentiment & de situation : d’un autre côté, l’illusion est détruite, des que le Spectateur sent s’élever cette pensée, qu’on ne s’échapperait pas ainsi, sans être vu, d’un Sallon ou telle autre pièce d’un véritable Appartement : ce défaut ne résulte pas de la maladresse des Acteurs, ou seulement de la mauvaise disposition du Théâtre, il vient de l’Auteur : il est sur-tout sensible dans les Drames des Auteurs-Comédiens, qui paraissent ne se défier jamais assez de la nonvérité de la Scène. […] La demoiselle Dumesnil est la seule Actrice chez qui l’on trouve quelques-uns de ces morceaux rendus dans le ton de la nature : je dirai même, que ce ne sont pas toujours ceux-là qu’on applaudit : on réserve les transports pour ces éclairs, où le sentiment cesse, & fait place à l’admiration.