/ 448
376. (1757) Article dixiéme. Sur les Spectacles [Dictionnaire apostolique] « Article dixiéme. Sur les Spectacles. » pp. 584-662

Pour le comprendre, il ne faut que considérer quelles impressions font sur l’ame les images les moins animées par elles-mêmes ; il ne faut que considérer quel est le sentiment naturel qui accompagne la lecture d’un évenement profâne, la vue d’une peinture immodeste ou d’une statue indécente : si ces objets, tout inanimés qu’ils sont, se retracent naturellement à l’esprit, si on ne peut même en sentir toute la beauté & toute la force sans entrer dans la pensée de l’Auteur ou dans l’idée du Peintre, quelle impression ne font pas les spectacles, où ce ne sont pas des personnages morts ou des figures muettes qui agissent, mais des personnages animés qui parlent aux oreilles, qui trouvent dans les cœurs une sensibilité qui répond aux mouvemens qu’ils ont taché d’y produire, jettent toute une assemblée dans la langueur, & la font brûler des flammes les plus impures ? […] Le spectateur veut s’attendrir & qu’on fasse couler ses larmes ; il veut que l’impression de tout ce qui est représenté se fasse dans son cœur, l’ambition, la fierté, la vengeance, & sur-tout cette malheureuse passion, que l’Apôtre saint Paul défend de nommer parmi les Chrétiens ; il n’est content de tout cela, qu’à proportion que le sentiment a été plus vif & plus profond : voilà ce qu’on a coutume de louer, c’est à quoi le cœur est préparé ; triste, s’il n’est blessé ; & satisfait, si les plaies descendent bien avant. […] Les représentations qui excitent les mêmes mouvemens, ne peuvent avoir que les mêmes effets ; & on ne doit plus mettre de différence entre les unes & les autres : je prétends au contraire que l’image d’une inclination légitime est souvent plus dangereuse, que de celle qui ne l’est pas ; car enfin, l’image d’une passion criminelle révolte quiconque n’a pas perdu tout sentiment de pudeur, l’esprit ne l’écoute que froidement, qu’avec crainte, qu’avec défiance, & il n’y a que des cœurs déja corrompus qui s’y livrent sans frémissement & sans horreur : mais une inclination légitime est d’autant plus dangereuse, qu’on est moins prêt à s’en defier, que l’esprit l’écoute avec moins de précaution, & que le cœur s’y livre avec moins de résistance. […] & ne devez-vous pas savoir d’abord, vous qui parlez ainsi, que si une déclamation passionnée n’excite en vous aucun sentiment vicieux, c’est peut être une preuve que vous avez consommé l’ouvrage du crime ? […] Il suffit de vous demander à vous qui n’avez pas encore étouffé tout sentiment de Réligion, mais qui feignez de ne pas comprendre le mal qu’il y a, à s’accorder des plaisirs de cette nature ; il suffit de vous demander si, quand vous rentrez en vous-mêmes, vous ne sentez pas un remord secret, qui vous dit que vous êtes coupables de vous exposer au péché en y assistant, & qu’il est à craindre qu’il ne soit la cause de vôtre perte éternelle ?

/ 448