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35. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE I. Faut-il permettre aux femmes d’aller à la Comédie ? » pp. 4-29

Art de Sémiramis, miracles de Linus, Charmes d’Anacréon, prestiges de Vénus, Plaisirs touchans des pleurs, sentimens de la joie, Tout ce qui plaît, qui charme, à ses yeux se déploie ; Elle cède, elle perd un reste de fierté, Et prépare son cœur à l’infidélité. […] surtout si vous compariez leurs esprits & leurs cœurs, leurs sentimens & leurs pensées, leurs désirs & leurs projets, leurs goûts & leurs souvenirs, leurs amours & leurs penchans ! […] Mais s’il s’agit de parler le langage, de peindre les folies, d’inspirer des sentimens d’amour, les voilà dans leur centre, tout est facile, tout est agréable, foiblesse, timidité, pudeur, religion, elles bravent tout. […] Peut-on comprendre qu’un pere délicat sur les mœurs de sa fille, un mari sur l’honneur de sa femme, un amant même sur les sentimens de la personne qu’il se destine pour compagne, les voient sans les plus vives inquiétudes à l’école la plus rafinée de la coquetterie, & dans les occasions les plus dangereuses de l’infidélité ? […] On ne sauroit vivre sans sentimens, c’est l’aliment du cœur d’une femme : ici tout ressent, tout exprime, tout inspire les plus vifs & les plus délicieux, de toute espèce ; pitié, fureur, langueur, fierté, chaque scène en fait naître.

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