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292. (1694) Lettre d’un théologien « Lettre d'un théologien » pp. 1-62

, et moins je sais à quoi me déterminer : à peine ai-je trouvé quelque tempérament en faveur de la Comédie dans les Scolastiques, qui presque tous sont d’avis de lui faire grâce, que je me sens accablé par un torrent de Passages des Conciles et des Pères, qui depuis le premier jusqu’au dernier, ont tous fulminé contre les spectacles, et ont employé la ferveur de leur zèle et la vivacité de leur éloquence pour en donner une si grande horreur aux fidèles, que les consciences faibles et timorées ne veulent pas même qu’il soit permis d’en disputer, et traitent de pernicieux et de relâcher, les Docteurs qui ont l’indulgence de les tolérer. […] De là, je conclus (poursuit ce grand homme) que ceux qui les paient et qui les assistent avec modération ne pèchent point, et qu’ils font même une action de justice, puisque c’est leur donner la récompense de leur ministère : mais si quelqu’un dissipait tout son bien après eux, ou bien qu’il entretint des Comédiens qui jouassent d’une manière scandaleuse et illicite, je ne doute point qu’il ne péchaient comme s’il les entretenait dans le péché, et c’est dans ce sens que se vérifie cette parole du grand saint Augustin : Que donner son bien aux Comédiens, c’est moins une vertu qu’un vice. » Aug. sud. […] Grégoire la fille de la gourmandise et du péché, et que c’est en sens qu’il est écrit : « Que le peuple s’assit pour manger et pour boire et qu’il se leva pour jouer. » C’est une réponse que nous devons donner à tout ce qu’on nous objecte des Saints Pères, avec d’autant plus de raison qu’à les examiner sans prévention et à peser toutes leurs paroles, il est aisé de voir que s’ils sont tant déchainés contre la Comédie, ça a été parce que de leur temps, l’excès en était criminel et immodéré, et que s’ils l’avaient trouvée, comme elle est aujourd’hui conforme aux bonnes mœurs et à la droite raison, ils ne l’auraient pas tant décriée, et auraient crû, comme saint Thomas, qu’il n’y avait point de mal à y assister, mais c’était quelque chose de si horrible et de si infâme que la Comédie, comme la jouait du temps de nos pères, qu’il n’y a personne à l’heure qu’il est, (je parle des gens du monde et de ceux encore qui sont les moins retenus) qui ne les condamna comme ont fait les Pères, et ce n’est pas une chose étonnante que ces saints Personnages aient employé toute la force de leur zèle contre la chose la plus scandaleuse qui fut dans l’Eglise.

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