Augustin confesse, que l’amour qu’il a eu pour les spectacles, a été pour lui un attrait à la volupté, et qu’il n’en est jamais sorti si chaste qu’il y était entre, parce que tout ce qu’on y entend, débauche les sens, séduit l’esprit, et corrompt le cœur. […] Comment voulez-vous que ces personnes, qui la composent, qui ont la même passion infiniment plus vive et plus ardente, dont le corps est nourri si délicatement, vêtu avec tant de mollesse, et de luxe, assiégées de jeunes gens, qui abandonnent tous leur sens, pour en boire le poison avec plus de liberté, qui jettent mille regards malhonnêtes, leurs yeux étant comme des canaux voluptueux par où passe l’amour, et comme les ambassadeurs de cette infâme passion, qui ont des entretiens pleins de tendresse, et souvent pleins de dissolutions : quand il ne se passerait point autre chose, pouvez-vous dire en bonne foi, que les uns et les autres sont chastes ? […] Ils y voient un spectacle, qui flatte tous les sens, qui remplit leur esprit de vanités, qui amollit leur cœur par le son ravissant des violons et des instruments, qui flattent les oreilles, et qui charment et enlèvent l’âme par une douce et agréable violence. […] elle leur fait voir ce que Dieu et les Anges y voient, elle leur découvre un massacre horrible d’âmes qui s’entretuent les unes les autres ; elle leur montre des femmes en qui le Démon habite, qui font à de misérables hommes mille plaies mortelles ; elle leur fait voir un air contagieux, qui se répand par tous les sens, et un poison subtil qui se glisse dans tous les cœurs ; enfin elle leur fait paraître une infinité d’esprits malins, qui se moquent de ces malheureux, et qui se raillent de leurs illusions et de leurs aveuglements.