et ne condamnerez-vous point notre théâtre à moins que selon votre idée, il ne soit entièrement semblable à celui des Gentils ? […] Enfin pour savoir s’il y a du mal d’assister à la Comédie, il fallait vous adresser aux personnes dont je vous ai déjà parlé ; il fallait, dis-je, choisir à la Cour, à la Ville, dans la Robe, dans l’Epée, dans le Monde, dans le Cloître, des personnes qui eussent été autrefois dans la passion et dans l’aveuglement dans lequel vous êtes encore ; mais qui éclairés présentement par les lumières de la grâce, voient avec étonnement et frayeur les dangers qu’elles avaient couru, et dont elles sont à couvert, et ne songent qu’à s’en éloigner toujours avec soin et à remercier Dieu de la grâce qu’il leur a faite en dissipant leur aveuglement : semblables à ces Marchands qui après avoir échappé des périls de la tempête et du naufrage, se trouvant en sûreté dans un Port, ne pensent qu’avec tremblement au risque qu’ils ont couru, bénissent le Ciel de les en avoir garantis, résolus de ne plus s’exposer sur la mer. […] Les Comédiens semblables aux Juifs ou à des Excommuniés séparés du reste des hommes, ne sont-ils pas obligés de renfermer leurs alliances dans la race comique ? […] Mais si un Artisan, un Bourgeois même voulait en faire et porter de semblables, qui pourrait l’en excuser ? […] Comme la mort de ces deux Comédiens avait été semblable presque dans toutes les circonstances, leur enterrement ne fut pas beaucoup différent ; et quelques instances que pût faire toute la Troupe Comique, quelques mouvements qu’elle se donnât, elle ne put jamais engager Monseigneur de Paris à faire enterrer les Comédiens, que d’une manière qui répondît à l’indignité de leur profession, quoique l’on dît que Molière avait demandé un Confesseur avant de mourir, ce qui était un signe qu’il voulait renoncer à sa profession : tous ceux qui meurent encore sans avoir renoncé, doivent s’attendre à pareil traitement.