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19. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE II. De la passion d’amour sur le Théâtre. » pp. 18-35

Quel désordre, quel ravage ne peut-elle pas causer dans l’imagination des Spectateurs, suivant les différentes situations où ils se trouvent ? […] Ces sortes de sentiments ne seraient jamais en risque d’être désaprouvés, ou mal reçus des Spectateurs ; car, dans une grande assemblée, il peut bien se trouver quelqu’un qui ne soit pas sensible aux impressions de l’amour, tel qu’on le voit communément sur le Théâtre, et qui par conséquent ne regarde qu’avec indifférence, ou avec mépris les faiblesses du cœur humain ; mais il n’y en aura pas un seul qui ne soit ou père, ou fils, ou mari, ou citoyen : et si, par hasard, il se rencontrait un Spectateur qui fut bon père, mais qui ne fut pas bon citoyen, et que l’action théâtrale de ce jour-là ne traitat que de l’amour de la Patrie ; loin d’en blâmer l’Auteur, il n’est pas douteux qu’il l’admirerait. […] Il y a près de deux mille ans, que les Comédies Atellanes ont porté cette dépravation à Rome : les Comiques Latins, qui nous restent, nous l’ont transmise : et, depuis que le Théâtre moderne subsiste, les intrigues d’amour ont toujours fait le fond des Comédies, Sans parler de l’utile, qui doit toujours marcher à côté de l’agréable, (et qui se trouve rarement dans une action, où il ne s’agit que d’amour et de mariage) nous voyons que l’agréable même y manque.

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