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26. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE X. » pp. 171-209

Pour répondre à cette objection il faut supposer, Mademoiselle, deux sortes de scandale : celui que l’on recherche & celui que l’on rencontre par hasard : celui-ci n’est pas un crime, dès que l’on use de son droit, & qu’on ne peut l’éviter, c’est assez de combattre & de s’armer de force & de courage au moment de la tentation. […] Je n’approuve pas ceux qui vont à l’Eglise à l’heure où ils sçavent qu’ils y trouveront les personnes qui sont pour eux une pierre de scandale : combien plus doit-on condamner la fréquentation des Spectacles, où l’assemblée est bien plus brillante que dans aucune Eglise, où l’on voit ce qu’il y a de plus libre & de plus vain dans la Capitale du Royaume ; grand nombre de personnes qui n’entrent jamais dans aucune Eglise, parce qu’elles vivent sans Religion : dans quelles dispositions de cœur ces sortes de personnes vont-elles se placer dans les Loges ? Elles sont versées dans l’art de plaire, & c’est à la Comédie ou bien à l’Opera qu’elles mettent toute leur science en exercice ; tout est étudié dans leurs gestes, dans leur attitude, elles paroissent dans une immodestie qui choque les libertins même : si leur rencontre n’est pas une espéce de scandale qu’on doive éviter, il faut jetter au feu les Ouvrages des SS. […] Vous avez dû sentir tout le vice & le danger de votre état ; c’est un scandale perpétuel que la vie d’un Comédien ; quand on supposeroit en lui la probité, la bienseance, toutes les vertus qui plaisent dans le monde, elles composent un édifice sans fondement.

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