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392. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VI. Du Fard. » pp. 143-168

Je ne m’étonne pas si les coups d’éventail Ne font point envoler cet importun betail ; Il faut pourtant savoir qu’en l’hiver de votre âge, Elles mourront de froid sur votre faux visage. […] Sachez donc & croyez, insensés fanfarons, Qu’elle vous chaussera bientôt ses éperons ; Elle fera l’appas, mais d’une telle sorte, Qu’il vous faudra sortir par une fausse porte. […] Si les couleurs naturelles sont des signes équivoques des vices & des vertus, les couleurs artificielles dont on s’enlumine sont des témoignages certains de dépravation ; je sais qu’il y a quelques maris si corrompus, quelques meres si déraisonnables qu’elles exigent ces folies de leurs femmes & de leurs filles ; sans doute alors ces couleurs forcées n’annonçent rien de criminel, ce n’est que la violence d’une part, & la timidité de l’autre. […] Les femmes avoient l’impudence de se coëffer avec ces rubans, & d’aller les étaler jusques dans les Eglises des Jésuites, à la fête de Saint Ignace, &c. mais le principal emploi des rubans, c’est de relever ou d’adoucir le teint ; toutes les couleurs selon qu’elles tranchent ou se fondent l’une dans l’autre, le favorisent ou le ternissent, & l’un des grands objets de l’art de la toilette est de savoir si bien les marier & les assortir, qu’elles se donnent mutuellement de l’éclat. […] Un des points essentiels du rôle d’une actrice est de savoir par quelle coulisse elle doit entrer, de quel côté elle doit se poster, & sous quel des lustres elle doit parler.

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