Comme les poètes savent qu’on ne prendrait point de plaisir à voir représenter des actions pour lesquelles on a de l’horreur, ils ont grand soin de dérober à la vue des spectateurs tout ce qui peut leur causer cette horreur. […] On sait, dit Nadal, qu’on ne peut faire réussir une pièce dramatique qu’en flattant les passions des cœurs corrompus. Peut-être même qu’en recherchant la mécanique des pièces qui ont fait le plus de bruit, on trouvera que c’est en elles un fonds de ce même libertinage qui produit dans la représentation je ne sais quelle espèce d’illusion et d’ensorcellement. […] On veut être ému et touché par le spectacle ; la scène languit, si elle n’irrite quelques passions, et, quand les acteurs nous laissent immobiles, nous sommes indignés de ce qu’ils n’ont pas su troubler notre repos, ni blesser notre innocence. […] Ceux-ci, à force de goûter ce qui les enchante, trouvent des charmes dans les pièges qu’on leur tend, et ils se savent bon gré d’être tentés.