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58. (1686) Sermon sur les spectacles pp. 42-84

Eh que diriez-vous si l’on vous présentait tout à coup sur ces Théâtres que vous aimez tant, l’image de l’Homme-Dieu cloué sur une croix, percé d’une lance, couronné d’épines, et tout couvert du sang qu’il répandit pour vous et pour moi ? […] Après avoir formé des Cirques et des Amphithéâtres, où les hommes s’exerçaient à la vengeance et à la fureur, soit en se tuant eux-mêmes, soit en faisant périr des animaux ; après avoir rempli de sang les Villes entières pour amuser l’oisiveté des Peuples, et pour les accoutumer à devenir cruels, il a employé l’enchantement des Sirènes, à dessein d’introduire la volupté dans tous les cœurs, et de la rendre souveraine de l’Univers. […] Je ne vous dirai point ici, mes Frères, que vous privez les pauvres de leur substance, lorsque vous dépensez pour les Spectacles ; que vous perdez un temps dont toutes les minutes sont le prix même du sang de Jésus-Christ, et des moyens de salut ; que vous entraînez par votre exemple, des personnes qui se font peut-être un devoir de vous imiter ; et que, quand même les Spectacles ne vous feraient nulle impression, vous répondez devant le Seigneur du mal qu’ils peuvent causer à ceux qui vous suivent, ou que vous y conduisez. […] Ainsi l’on fait l’éloge du Christianisme, et l’on n’a plus d’âme que pour les plaisirs ; ainsi l’on passe alternativement du Bal au Salut, de la Sainte Table au Théâtre où l’on ose venir avec les lèvres encore teintes du sang de Jésus-Christ ; ainsi l’on s’abandonne à une vicissitude de Confessions et de rechutes, et l’on croit avoir tout gagné, ou parce qu’on a malheureusement trouvé un Confesseur cruellement indulgent, selon l’expression de Saint Cyprien, ou parce qu’on a contracté l’affreuse habitude de ne plus s’accuser de la fréquentation des Théâtres.

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