Pour nous faire aimer la Musique ce nous devrait être assez que la sagesse de Dieu y prend plaisir. […] On peut bien accorder à ses envieux que c’est un air battu et pressé entre deux corps, mais il faut ajouter que cela se fait par art et par une direction de sagesse : Tout air battu ne fait pas musique, autrement on pourrait conclure que le braiement d’un âne, le grognement d’un porc, et le bruit d’une charrette mal graissée est musical ; et c’est pour cela même que je prise la musique, que l’invention des hommes ait été assez subtile, pour ménager l’élément de l’air, et lui donner tel son et telle forme qu’il lui plaît : Nous estimons la Sculpture, qui peut faire un homme d’un quartier de marbre ; néanmoins elle n’a pas grande subtilité ; elle a sa matière devant soi qu’elle coupe et qu’elle tranche : elle voit de ses yeux où elle porte son ciseau, elle sait jusqu’où elle le doit piquer : La musique n’a pas la même facilité en ses ouvrages : L’air qui est le fond sur lequel elle travaille, ne se voit point, elle n’a quasi point d’autre outil que sa langue. […] Que dirai-je de la Géographie, qui marche pas à pas sur toutes les traces, que la Sagesse de Dieu laissa dans le monde, quand elle en fit le tour pour voir si toutes les choses étaient en leur lieu : Elle donne toutes les mesures de la terre ; elle en montre la figure, elle loge chaque nation dans son quartier : Elle nous dit, les peuples qui approchent du pôle de tant de degrés, n’ont que tant d’heures de jour pendant l’hiver, à peine ont-ils de la nuit pendant l’été : Ceux qui sont près de la ligne, ne changent presque point, la nuit et le jour sont d’une même durée en toutes les saisons : Ceux-là sont tourmentés du froid : ceux-ci souffrent du chaud : En telle contrée naissent tels fruits, tels animaux ; on y fait tels ouvrages : Un tel Royaume a tant de Provinces, il est arrosé de tant de rivières, il est embelli de tant de Villes : Voilà sa police et la façon de son gouvernement. […] Au défaut du châtiment des hommes, Dieu prend quelquefois les verges, et en frappe si rudement, que ceux qui ont d’assez bons yeux pour remarquer la conduite de sa Sagesse jugent bien qu’il connaît une malignité dans les masques et dans les momons, que les hommes ne savent pas craindre. […] Le grand Alphonse Roi de Naples et de Sicile, qui a eu autant de sagesse qu’il en peut tenir dans la tête d’un Prince, formait la plus noble jeunesse de ses Etats aux exercices de la Chasse, et disait qu’il n’avait point de meilleurs Soldats, que ceux qui avaient été bons Chasseurs.