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49. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE IV. Suite des effets des Passions. » pp. 84-107

Ce n'est qu'avec la plus grande circonspection et l'avis d'un sage Directeur, qu'on permet ces épreuves factices aux âmes déjà éprouvées et toujours victorieuses ; et ce ne fut jamais pour goûter le plaisir de cette émotion, mais pour le détruire ; surtout en matière d'impureté, sur laquelle il n'y a pour tout le monde d'autre parti à prendre que la fuite. […] quel homme sage se jette dans un précipice, espérant de s'arrêter quand il voudra dans une pente aussi rapide ! […] Lors même qu'un peu plus sage, il ne l'avale pas, il le regarde, le flaire, le savoure, en exprime le suc, et se flatte de n'en pas prendre le venin et de n'en être pas incommodé. […] Le stoïcien s'efforce d'acquérir une apathie supérieure à toutes les passions ; insensible à la douleur et au plaisir, le Sage se croit inébranlable au milieu des débris du monde : le chef-d’œuvre de la scène est au contraire l'émotion de toutes les passions. L'apathie stoïcienne est une chimère, le Sage sent comme un autre, et souvent plus qu'un autre, le plaisir et la douleur ; mais est-ce une gloire à l'esprit humain d'avoir inventé un art antiphilosophique, tout occupé à détruire ce que la raison a imaginé de plus parfait, à armer, à animer contre nous ce que la vertu nous ordonne de combattre jusqu'à la mort ?

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