/ 441
96. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VIII. De la Folie. » pp. 163-179

Il serait inutile et impossible de faire l'histoire et d'épuiser le détail des folies humaines dans les divertissements ; nous ne parlerons que d'une espèce qui s'était répandue dans toute la France pendant les siècles d'ignorance, et s'était glissée jusques dans les Eglises et dans l'Office divin, et par les plus indécentes profanations avait porté dans le sanctuaire l'abomination de la désolation, sous une infinité de noms bizarres, la Fête des Fous, la Fête de l'Ane, les Innocents, la Mère folle, l'Abbé et les Moines de Liesse, l'Evêque des Imbéciles, le Pape des Fats, le Roi des Sots, le Prince de Plaisance. […] On regarde en pitié ces jouets infortunés de la faiblesse humaine, on rit de leurs saillies, de leurs caprices, de leurs ridicules ; l'un est Jupiter, l'autre Alexandre ; celui-ci est Roi, celui-là Magicien ; il est riche, savant, héros, etc. […] L'Ecriture rapporte, sans les blâmer ni les louer, deux traits de folie apparente dans l'un des plus saints et des plus grands Rois d'Israël. […] Fuyant la persécution de Saül, il se retire chez un Roi voisin, où apparemment il croyait être inconnu. […]  » Malgré ces adoucissements, il faut convenir qu'un Roi pieux qui danse dans les rues, en chemise, devant tout le peuple, qui saute et bondit comme un chevreau, selon l'expression de l'Hébreu, subtilientem, est un spectacle fort extraordinaire, dont l'histoire ne fournit guère d'exemple, et qui dans nos mœurs déshonorerait même un homme du commun.

/ 441