Vous riez, Eh ! […] Vous riez de la comparaison, le génie sublime qui fait agir & parler les Rois & les Dieux, n’auroit il pas ses fêtes, & aussi brillantes ? […] La voilà donc la grande Pythonisse, vêtue de blanc, pour marquer la pureté de ses mœurs ; car depuis la défunte Daphné, Apollon n’aime que les vierges ; aussi les muses font-elles appellées les chastes sœurs ; pere des poëtes, aussi chastes qu’elles ; la voilà l’intime amie de Voltaire, l’héroïne de toutes les pieces, qui a rempli de son nom tous les théatres, depuis Rouen jusqu’à Vienne, à Varsovie, à Petesbourg & au Palais de délices ; qui a fait résonner tous les échos, de sa voix mélodieuse, qui a allumé tant de passions, fait composer tant de vers, fait tourner ; la tête à l’Avocat Huerne, qui voit à ses pieds toutes les autres actrices, comme un grand chêne porte sa tête chenue au-dessus des nuages, & daigne à peine régarder les petits arbrisseaux qui croissent au tour de lui ; qui a formé pour le théatre sa chere fille, la charmante Hus, vestale comme elle ; en un mot, & c’est tout dire, ce mot renferme tous les éloges ; la voilà l’incomparable Clairon, qui à pas lents, & d’une démarche majestueuse, d’un air de reine, accompagnée des graces, des jeux, des ris, des talens, s’avance vers la statue du Dieu Voltaire. […] Le Lieutenant de la police de Rouen & de Paris, qui connoît le genre de gloire qui s’y distribue, & à quel genre de combattans, doit rire en apprenant à quelle maison le grand Voltaire doit sa gloire ; il n’a paru aucun grand Prêtre à la cérémonie, à qui donc Voltaire écrit-il sous ce nom ; il doit être bien engourdi puisqu’il faut le secouer, & lui faire enfanter quelques vers, qui sans doute ne sont pas mauvais, puisqu’il n’est pas juste de marquer sa reconnoissance en mauvais vers ; la secousse doit avoir été légere, ou sa léthargie bien profonde ; car ses vers sont bien mauvais.