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76. (1772) Réflexions sur le théâtre, vol 9 « Réflexions sur le théâtre, vol 9 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE NEUVIEME. — CHAPITRE III. L’Esprit de Moliere. » pp. 72-106

Tous les deux font parler leurs Acteurs à leur mode, leur prêtent des raisonnemens grotesques, des principes ridicules, des conséquences bizarres, pour faire rire à leurs dépens. […] La comédie ne sait que voltiger, ne se nourrit que de frivolité, & ne pense qu’à faire rire ; on lui pardonne tout : ses écarts sont sans conséquence, ils passent pour des beautés, s’ils amusent. […] On aime plus à rire qu’à pleurer, à se mocquer de ses semblables qu’à faire l’éloge de ses supérieurs. […] Pour tous les autres talens, fécondité d’idées, invention de plans, génie créateur, correction, élévation, force, élégance de style, justesse, précision, pureté, richesse d’images poëtiques, qu’on ne les cherche pas dans ses œuvres ; ce n’est qu’un singe qui grimace, fait des sauts, des tours de souplesse, amuse, fait rire. […] Dans un jardin plein de fleurs il ne faut que couper & arranger ; avec un esprit tourné à la plaisanterie, il est aisé de faire rire aux dépens des gens pleins de ridicule, qu’ils n’ont l’adresse ni de connoître ni de cacher.

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