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96. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE II. Des Spectacles des Communautés Religieuses. » pp. 28-47

Et dans le fond il est vrai que dans toutes les pièces monastiques les vers, les acteurs, les décorations, les habits, ne sont divertissants que par le ridicule ; ce qui a donné lieu à un couplet de chanson fort connu : « Nous jouons des comédies Dans l’enclos de nos maisons, Et même des tragédies Mieux que Molière et Baron. […] Cet historien mordant des Ordres religieux fait semblant de faire l’apologie du théâtre par l’exemple des Religieux, et dans le fond ne veut que donner du ridicule aux Religieux, par un vernis de théâtre. […] Thomas et tout le monde, d’après la loi de Moïse, qui est expresse, c’est une chose mauvaise de se masquer, à moins qu’il ne soit absolument nécessaire pour sauver son honneur ou sa vie ; à plus forte raison d’un sexe à l’autre, d’une personne consacrée à Dieu à un Comédien. 3.° Qu’il n’est pas permis à un Religieux de quitter son habit, même pour peu de temps et pour sa commodité, comme pour jouer à la boule ; à plus forte raison par bouffonnerie. 4.° Qu’il est aussi peu convenable de cacher ses habits et de les couvrir des livrées du vice, et faire un mélange indécent et ridicule du sacré et du profane. 5.° Que ces récréations toutes mondaines ne conviennent point du tout à des personnes consacrées à Dieu, qui font une profession solennelle de renoncer au monde, et qu’elles les exposent à beaucoup de dissipation et de mollesse. […] On prétendait par ce moyen amuser innocemment la jeunesse, l’enhardir et la former à parler en public, et pour mieux corriger ces jeunes gens, on chantait dans les entractes des chansons satiriques sur le compte de chaque Séminariste, même des Directeurs, on lisait à haute et intelligible voix des gazettes ecclésiastiques, remplies d’anecdotes de Séminaire les plus propres à les tourner en ridicule, on faisait de petits jeux où on leur disait leurs vérités, pour leur apprendre à éviter la médisance. […] Ces pièces mutilées, ces acteurs si bizarrement vêtus, ce mélange de gravité et de bouffonnerie, formaient un spectacle plus grotesque que le théâtre de la foire ; c’étaient de vrais jeux d’enfants, dont le ridicule faisait le mérite, et écartait tout danger et toute idée de passion.

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