Je sais qu’un honnête homme peut une ou deux fois y être attiré par curiosité, engagé par complaisance, entraîné par un malheur ; mais à ce très-petit nombre près, qui n’y revient plus, & dont je ne parle point, il est de notoriété publique que tout le reste ne se distingue que par son dérangement. […] La Fontaine que j’attribue au théatre, puisqu’il a composé plusieurs drames, & que ses Contes irréligieux & infames ont été presque tous mis sur la scene par des Auteurs aussi méprisables par leurs talens que par leurs mœurs ; la Fontaine qui avoit protesté de son repentir devant des Députés de l’Académie appelés exprès (ce qui pour le Corps étoit une belle leçon), qui avoit à grands frais acheté pour les brûler tous les exemplaires qu’il avoit pû trouver de ses Contes, qui avoit parcouru les rues sur un tombereau comme un criminel, la corde au col, pour demander pardon au public du scandale qu’il lui avoit donné ; la Fontaine avoit depuis long-temps dans son épitaphe fait le portrait des Auteurs dramatiques & de bien d’autres : Jean s’en alla comme il étoit venu, Mangeant son fonds après son revenu, Jugeant le bien chose peu nécessaire : Quant à son temps, bien le fut dispenser ; Deux parts en fit dont il souloit passer, L’une à dormir, & l’autre à ne rien faire. […] Du revenu qu’il faut je n’ai pas le demi, De la peur des besoins je n’ai jamais frémi ; D’une humeur assez douce, & d’une ame assez ronde, Je n’eus pas je croi d’ennemi, Et je puis assurer qu’ami de tout le monde J’ai dans l’occasion trouvé plus d’un ami.