Les compositions étaient soumises à l’archonte ; il en réglait toutes les parties, il rejetait ce qui pouvait nuire à la morale publique ; le peuple n’entendait au théâtre que de saines maximes qui l’excitaient aux vertus, au respect des dieux et des lois. […] Voltaire, qu’autorisait l’exemple d’Euripide, ne le suivit pas en tout ; plus délicat dans le choix de ses sujets, il rejeta en général ces grands coupables qui ne peuvent rapprocher de la vertu que par l’horreur qu’ils inspirent, mais qui peuvent aussi faire avancer dans le crime. « Il y a du bon dans cette pièce , disait un avare assistant à l’une des représentations de Molière, elle offre d’utiles leçons d’économie. » La répugnance de Voltaire à donner au public cette dangereuse instruction, mérite notre reconnaissance ; son respect pour les mœurs, nos éloges et notre admiration ; car, il faut le dire, le vice alors infectait la nation, et siégeait impudent au conseil de son roi. […] « Mahomet aurait eu le défaut d’attacher l’admiration publique au coupable, si l’auteur n’avait eu soin de porter sur un second personnage un intérêt de respect et de vénération, capable d’effacer la terreur que Mahomet inspire. […] Il n’y a personne qui n’aimât mieux être Zopire que Mahomet, et sans le respect de Voltaire pour les mœurs et la vertu, il aurait fait plus de Mahomet que de Zopire.