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1. (1691) Nouveaux essais de morale « XIV. » pp. 151-158

Une des principales raisons du danger de la Comédie, c’est qu’elle ne tend qu’à flatter les trois plus dangereuses passions de l’homme, l’amour, l’ambition et la vengeance, en nous faisant sentir du plaisir dans la représentation des plus grands excès de ces passions, car certainement si nous n’aimions pas ces passions, comme nous ne les devrions pas aimer selon la profession que nous faisons d’être Chrétiens, nous ne serions pas touchés de tant de plaisir dans leur représentation. Un enfant ne prendrait pas plaisir dans la représentation de la mort de son père, un père dans la représentation de la mort de son fils, ni une femme dans la représentation de celle son mari. […] Mais pour revenir à mon sujet, nous ne prenons plaisir que dans la représentation des choses que nous aimons : et cette représentation fortifie encore dans nous l’amour de ces choses, bien loin de nous disposer à les haïr, comme nôtre Religion nous y convie. […] La lecture des Romans et de la Comédie fait le même effet sur les esprits et sur les cœurs : Mais la Comédie a cela de plus, que comme elle est faite pour la représentation, la lecture en est encore plus dangereuse, parce qu’en lisant on s’imagine voir et entendre les Acteurs ; et ainsi la lecture même tient quelque chose de la force de la représentation. Or la représentation fait toujours des impressions plus vives que la lecture, comme le dit ce Poète qui a si bien entendu ce que peut la représentation.

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