Ce ne sont point ici de simples conseils, mes Freres, ce sont des obligations, les plus essentielles de vôtre vocation : vôtre Foi n’en connoît point de plus indispensables ; ce ne sont point de ces verités dont la pratique ou le violement vous rendent plus ou moins parfaits ; mais qui vous rendent fidelles, ou rebelles, en les observant ou ne les observant pas. […] si vous vous representiés chaque jour devant les yeux le détachement du monde, la fuite de ses pompes & de ses plaisirs, la haine de vous-même, la mortification de vos sens, la vie de la Foi, que vous avés embrassées, la conformité avec Jesus-Christ, qu’il exige de vous comme son membre & son enfant, si vous le compreniés bien, qu’il faut aimer Dieu de tout vôtre cœur sans retour, ni partage, que vous ne pouvés sans crime porter ailleurs vos affections & vos desirs, que toute pensée, toute parole, toute œuvre qui ne se rapporte point à lui, est l’œuvre de Satan, & par consequent criminelle, qu’un simple regard qui ne tend pas à lui & à sa gloire, lui deplaît, l’offense ; qu’une seule demarche quelque innocente qu’elle paroisse, si elle ne se fait pas selon la charité, nous rend rebelles & coupables : si vous les compreniés bien, dis-je, ces verités, vous gemiriés sans cesse, vous viendriés souvent au pied du Tribunal vous declarer coupable devant Jesus-Christ vôtre Juge, dont le Confesseur tient la place. […] diriés-vous, l’état que j’ai embrassé dans le Baptême, exige de moi une vigilance si exacte, un courage si infatiguable, des exercices si saints, une retenuë si grande, une haine du monde si absoluë, un amour de Dieu si universel : une legere partie de ce tems qui m’a été donné pour travailler à mon salut, ou passé inutilement, ou emploié à des choses profanes, est capable de me rendre un serviteur criminel, ou du moins inutile. […] Voilà ce qu’ont fait tant des Saints : & après tant de crimes, tant de chûtes & de rechûtes, presque tout le monde demeure tranquille : des pécheurs déjà exclus de la celeste Patrie dont ils se sont rendus indignes, demeurent calmes sur leur destinée ; tout ce que l’on recommande aux Ministres qui les assistent, c’est de ne point les effraier, de ne point leur parler de ces terribles verités, & de les aider à se seduire & à se tranquiliser dans la fausse paix de leur conscience criminelle.