Voilà en peu de mots ce que l’on peut dire de plus obligeant et de plus avantageux pour Molière : et certes, s’il n’eût joué que les Précieuses, et s’il n’en eût voulu qu’aux petits Pourpoints et aux grands Canons, il ne mériterait pas une censure publique, et ne se serait pas attiré l’indignation de toutes les personnes de piété : mais qui peut supporter la hardiesse d’un Farceur, qui fait plaisanterie de la Religion, qui tient École du Libertinage, et qui rend la Majesté de Dieu le jouet d’un Maître et d’un Valet de Théâtre, d’un Athée qui s’en rit, et d’un Valet plus impie que son Maître qui en fait rire les autres. […] Toute la France a l’obligation à feu Monsieur le Cardinal de Richelieu d’avoir purifié la Comédie, et d’en avoir retranché ce qui pouvait choquer la pudeur, et blesser la chasteté des oreilles ; il a réformé jusques aux habits et aux gestes de cette Courtisane, et peu s’en est fallu qu’il ne l’ait rendue scrupuleuse. […] Et voyant qu’il choquait toute la Religion, et que tous les gens de bien lui seraient contraires, il a composé son Tartuffe, et a voulu rendre les dévots des ridicules ou des hypocrites : il a cru qu’il ne pouvait défendre ses maximes, qu’en faisant la Satire de ceux qui les pouvaient condamner. […] Ou Louis XIV, le plus glorieux de tous les Roys au monde (s.l., 1664), qui qualifie Molière ainsi : « Un homme, ou plutôt un Démon vêtu de chair et habillé en homme et le plus signalé impie et libertin qui fut jamais dans les siècles passés, avait eu assez d’impiété et d’abomination pour faire sortir de son esprit diabolique une pièce toute prête d’être rendue publique, en la faisant monter sur le Théâtre, à la dérision de toute l’Église, et au mépris du caractère le plus sacré et de la fonction la plus divine, et au mépris de ce qu’il y a de plus saint dans l’Église, etc. » Le pamphlet a été pilonné, apparemment sur ordre de Louis XIV. […] Les déluges, la peste et la famine, sont les suites que traîne après soi l’Athéisme ; et quand il est question de le punir, le Ciel ramasse tous les fléaux de sa colère pour en rendre le châtiment plus exemplaire.