L’Église Judaïque ne vit jamais un pareil monstre dans les successeurs d’Aaron, ni l’Église Catholique dans les successeurs de Saint Pierre ; on ne reçoit pas même les bâtards dans le ministère sans une dispense expresse qui s’accorde rarement, & jamais les femmes sous aucun prétexte ; l’Église Britannique n’y regarde pas de si près, elle doit sa puissance à l’amour des femmes & à l’adultère, elle est adultère elle-même, en se séparant de son époux par l’hérésie & le scbisme, peut-elle n’être pas par reconnoissance favorable au beau sexe & à la bâtardise ? […] On admire, on respecte ces grands événemens politiques, où les Princes, selon leurs intérêts, se jouent du genre humain ; regardez de près, ce n’est qu’une comédie que joue une Actrice couronnée. […] Quaud on vint le matin lui dire qu’il étoit temps de partir, elle se lève, prend son manteau, se couvre modestement de son voile, & marche vers l’échaffaud un crucifix à la main qu’elle ne cesse de regarder & de baiser avec le plus tendre respect ; quand elle y fut montée, ella adressa la parole à ses Juges & au peuple nombreux, que la curiosité y avoit attiré, elle proteste qu’elle est innocente du crime dont on l’a accusée, qu’elle meurt dans la Religion Catholique Apostolique & Romaine prête à perdre mille couronnes & mille vies pour cette sainte Religion qui fait tout son crime ; qu’elle pardonne de bon cœur tout le mal qu’on lui a fait ; qu’elle prie tous ceux qu’elle a pu avoir offensés de lui pardonner : le bourreau se jette à ses pieds pour lui demander pardon de ce que son devoir l’oblige de faire, elle lui pardonne volontiers, mais ne voulut point qu’il touchât à ses habits, se fit ôter son voile par ses filles, elle se mit à genoux, invoqua la Sainte Vierge & les Saints, pria Dieu pour le Royaume d’Écosse, de France & d’Angleterre pour le Roi son fils, la Reine Elisabeth, ses juges & ses persécuteurs, se banda les yeux, tend son cou au bourreau, récitant tout haut ses prières, & à ces paroles qu’elle répéta plusieurs fois : In manus tuas, commendo spiritum meum.