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354. (1758) Sermon sur les divertissements du monde « SERMON. POUR. LE TROISIEME DIMANCHE. APRÈS PAQUES. Sur les Divertissements du monde. » pp. 52-97

Mais de leur fournir vous-mêmes, sous ce damnable prétexte, des livres qui leur tournent l’esprit à tout ce que le monde a de plus vicieux ; mais d’en remplir votre maison, et de ne vouloir pas que rien là-dessus de nouveau leur échappe et leur soit inconnu ; mais de leur en demander compte et d’entendre avec une secrette complaisance les récits qu’ils en font ; mais de les croire bien habiles et bien avancés quand ils sçavent répondre aux mots couverts par d’autres bons mots, qu’ils conservent dans leur mémoire des poésies libres, et qu’ils les sçavent rapporter fidélement sans se méprendre ; mais de les conduire vous-mêmes, (car ceci regarde tous les points de morale que je viens de toucher) de les conduire vous-mêmes à des spectacles d’autant plus capables de les amollir, que ce sont de jeunes cœurs beaucoup plus flexibles et plus sensibles ; mais de leur faire observer les endroits fins et délicats, sur-tout les endroits vifs et tendres ; mais de les engager vous-mêmes dans des assemblées, où ils ne voient du monde que ce qu’il a de riant, que ce qu’il a d’éclatant, c’est-à-dire, que ce qu’il a d’attrayant et de séduisant, voilà de quoi vous aurez bien lieu de vous repentir dès cette vie, et de quoi vous serez bien sévérement punis en l’autre. […] Un homme du monde qui fait du jeu sa plus commune et presque son unique occupation, qui n’a point d’affaire plus importante que le jeu, ou plutôt qui n’a point d’affaire si importante qu’il n’abandonne pour le jeu ; qui regarde le jeu non point comme un divertissement passager, propre à remettre l’esprit des fatigues d’un long travail et à le distraire, mais comme un exercice réglé, comme un emploi, comme un état fixe et une condition ; qui donne au jeu les journées entieres, les semaines, les mois, toute la vie, (car il y en a de ce caractere, et vous en connoissez.) […] Or je prétends néanmoins, et vous en êtes aussi instruits que moi, qu’il y a des promenades suspectes, qu’il y en a d’ouvertement mauvaises, qu’il y en a de scandaleuses, et que ce scandale ne regarde pas seulement les ames libertines et déclarées pour le vice, mais celles mêmes qui du reste en ont ou paroissent en avoir plus d’éloignement et plus d’horreur.

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