Il y a beaucoup plus de femmes vertueuses que d’hommes vertueux, c’est un fait ; j’en suis fâché pour vous et pour notre sexe ; mais il n’est que trop certain que le mérite et la vertu des femmes nous avilissent, et si vous y regardez à deux fois, vous serez contraint de m’avouer qu’il n’est pas moins étonnant qu’il y ait un si grand nombre de femmes estimables avec le peu d’éducation qu’on leur donne en général, qu’il est surprenant de voir si peu d’hommes estimables avec l’éducation qu’ils reçoivent. […] Le mari, qui voit sa femme universellement courtisée, s’applaudit de la belle cure qu’il a faite, il en reçoit les compliments avec beaucoup d’estime pour lui-même, et se regarde comme un homme envoyé du Ciel pour former les Dames, et les décrasser de la morale du couvent. […] Mais Monsieur, si l’on voyait une belle femme suivre pas à pas son Amant comme une Colombe suit son Pigeon ; si, lorsqu’il « prendrait chasse », elle le poursuivait ; s’il restait dans l’inaction, et qu’elle le réveillât par de « Jolis coups de bec » ; si elle faisait mieux enfin que la « folâtre Galatée » de Virgile, c’est-à-dire aussi bien que votre amoureuse Colombe ; je suis persuadé que les Casuistes les plus relâchés regarderaient ces agaceries comme le manège de la plus fine Coquetterie ; et que nul d’entre eux, non plus qu’aucun Moraliste, ne s’aviserait d’y applaudir et de prendre ces grimaces pour des preuves de pudicité.