Elisabeth qui pendant le règne de sa sœur avoit résisté à tous les efforts qu’on avoit fait pour l’en rendre, devoit tout craindre de la persécution d’un mari dont elle connoissoit le zèle impérieux ; d’ailleurs elle ne pouvoit s’en faire sans reconnoître l’autorité du Pape qui l’avoit condamnée déshonorer son père & sa mère, réprouver leur mariage, & avouer sa bâtardise ; & quel mépris n’auroit-on pas eu pour elle, il lui falloit même une dispense de Rome pour épouser son beau-frère. Philippe promettoit dela demander, & sans doute l’auroit obtenue ; mais c’étoit renouveller l’affaire de Catherine d’Aragon, belle-sœur d’Henri VIII, qu’il avoit épousée sur une pareille dispense, & reconnoître la légitimité de son mariage, & par conséquent l’adultère d’Anne de Boulen, on pouvoit lui faire quelque jour la même difficulté, & Philippe la répudier, la Reine d’Ecosse l’attaquar, les Sujets se révolter sur ce prétexte, & voir son trône ébranler par les mécontens. Dans un royaume héréditaire, les bâtards ne peuvent régner qu’au défaut de tous les Princes légitimes ; si la bâtardise étoient reconnue, tous les Stuart devoient lui être préférés : ces raisons sont évidentes, Philippe ne devoit pas demander, elle devoit tout uniment pour la refuser, non pas jouer la comédie, fait espérer par les plus grandes démonstrations, & échapper par des défaites ; mais le caractère perce par-tout même sans nécessité. […] Voici l’histoire, le vrai crime de Don Carlos fut l’hérésie & la révolte : impatient de monter sur le trône, il ambitionnoit la souveraineté des Pays-Bas, alors en guerre avec Philippe ; Les Députés pour faire diversion l’avoient demandé au nom de leur pays, avoient promis de le reconnoître ; il s’éloignoit d’un père & d’un Roi, à son gré trop sévère qui s’opposoit à ses passions. […] Ces guerres fournissent bien des scènes, des secours refusés d’obord, & ensuite accordés, des généraux de troupes sont envoyés & sont rappelés ; un désintéressement affecté, & des villes retenues en otage, un Souverain reconnu & renvoyé, un mariage arrêté & rompu, une bague donnée & redemandée, des articles signés & abandonnés.