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76. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre VIII.  » pp. 195-221

Il est inutile de pousser plus loin ce détail de tout ce que le libertinage des écrivains a fait rapporter, ajouter, changer à ces avantures galantes, qui n’ont rien que de fort ordinaire ; tous ces ouvrages, d’ailleurs mal écrits, n’en valent pas la peine. […]  16, rapporte ce trait : nous avons besoin de veiller à toute heure, pour avancés que nous soyons dans la perfection, d’autant que nos passions renaissent, même quelquefois après avoir vécu long-tems en réligion, & avoir fait un grand progrès dans la vertu : comme il arriva à Silvain, Réligieux de Saint Pacôme, dans le monde il étoit comédien de profession, & s’étant converti & fait Réligieux, il passa plusieurs années dans une mortification exemplaire, sans qu’on lui vit jamais faire aucun acte de son premier métier ; vingt ans après il pensa pouvoir faire quelque badinerie, sous prétexte de récréer ses Freres, croyant que ses passions fussent tellement amorties, & qu’elles n’eussent plus le pouvoir de le faire passer au-delà d’une simple récréation ; mas le pauvre homme fut bien trompé, car la passion de la joie se réveilla tellement, que des badineries, il passa aux dissolutions, de sorte qu’on résolut de le chasser ; ce que l’on eût fait, sans un des Réligieux qui demanda grace, & se rendit sa caution, promettant qu’il se corrigeroit, ce qu’il fit, & veçut depuis très-saintement : Naturam expelles furcâ tamen usque recurret. […]  25, par Possevin ; un de ses Prêtres qui vivoit chez lui, témoin de tout ce qu’il rapporte. […] C’est à-dire, des Saints qui ont vécu renfermés, rapporte, d’après quelques auteurs qu’il cite, que de deux comédiens fort unis d’amitié, l’un se convertit, & sans rien dire, alla s’enfermer dans une caverne, pour y faire pénitence ; son compagnon inconsolable, le chercha de tout côté, & enfin l’ayant trouvé, après plusieurs jours de sollicitation, le détermina à quitter sa prison, & à revenir dans le monde ; celui ci lui dit en chemin, qu’il avoit laissé dans un coin de la caverne, une somme d’argent, ramassée des aumônes qu’on lui avoit faites, je vais la chercher, dit le premier, & retourna dans la caverne ; son compagnon le suivit, & l’enferma, lui déclarant qu’il n’en sortiroit plus, qu’il faloit se résoudre à faire pénitence comme lui, puisqu’il n’étoit pas moins coupable ; il se passa plusieurs jours pendant lesquels il lui portoit à manger, sans pouvoir l’y déterminer. […] Quelque Procureur dirigea la procédure, & servoit de Greffier, il le faloit bien, les Dames sont peu faites au jargon de la chicane ; il y a bien loin d’une information criminelle aux billets doux ; enfin tout bien considéré, & murement pesé, après plusieurs séances, le Procureur du Roi & le Dignitaire du Chapitre furent déclarés atteints & convaincus d’avoir composé, fait écrire, affiché & répandu dans la Ville des chansons diffamatoires, contre un grand Prélat & plusieurs Dames distinguées par leur naissance, leur beauté, leur mérite : pour réparation de quoi le Dignitaire fut interdit de l’entrée au chœur, & aux assemblées du Chapitre, condamné à demeurer trois mois dans un Seminaire, jeûnant & prenant la discipline le vendredi de chaque semaine, de quoi il rapportera un certificat en bonne forme, signé du Supérieur.

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