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79. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE VIII. » pp. 131-157

Avouez, Mademoiselle, que votre Avocat étoit bien fondé à décliner l’autorité des Saints Peres, il appréhendoit une nuée de témoins qui déposent contre lui, il voudroit qu’on le traduisît au Tribunal de la raison, j’y consens volontiers, persuadé que son jugement ou celui des Auteurs qu’elle a fait parler n’est pas moins défavorable à votre cause. […] si les Dieux, dit-il1, avoient eu une volonté mal-faisante pour les hommes, quel don plus conforme à ce dessein auroient-ils pû leur faire, que celui d’une foule de passions, l’injustice, l’intempérance, la luxure, dont la raison n’eut pas été la maîtresse ? […] nous représentons sur le Théâtre les fureurs de Medée, les vices d’un grand nombre de personnes que l’on métamorphose en Héroïnes ou en Héros, sans aucun égard pour la raison qu’elles n’ont jamais respectée : nous récréons notre esprit par la méditation de leur sceleratesse ! […] Il est bien rare que la raison se rencontre avec elles. […] Il est remarquable que les payens se rencontrent avec les Peres de l’Eglise, dans le jugement qu’ils ont porté sur les Spectacles, & que la seule raison les ait convaincus d’une maxime qu’on a tant de peine à faire saisir à des personnes qui se disent éclairées des lumieres de la foi, & parfaitement soumises à la sévérité de l’Evangile.

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