Il est vrai que la foule est grande à ses Pièces, et que la curiosité y attire du monde de toutes parts : mais les gens de bien les regardent comme des Prodiges, ils s’y arrêtent de même qu’aux Eclipses et aux Comètes : parce que c’est une chose inouïe en France de jouer la Religion sur un Théâtre, et Molière a très mauvaise raison de dire, qu’il n’a fait que traduire cette Pièce de l’Italien, et la mettre en Français : car je lui pourrais répartir que ce n’est point là notre coutume, ni celle de l’Église : l’Italien a des vices et des libertés que la France ignore, et ce Royaume très Chrétien a cet avantage sur tous les autres, qu’il s’est maintenu toujours dans la pureté de la Foi, et dans un respect inviolable de ses Mystères. […] Et où a-t-il trouvé qu’il fût permis de mêler les choses saintes avec les profanes, de confondre la créance des Mystères avec celle du Moine Bouru, de parler de Dieu en bouffonnant, et de faire une Farce de la Religion : il devait pour le moins susciter quelque Acteuro pour soutenir la Cause de Dieu, et défendre sérieusement ses intérêts : il fallait réprimer l’insolence du Maître et du Valet, et réparer l’outrage qu’ils faisaient à la Majesté Divine : il fallait établir par de solides raisons les Vérités qu’il décrédite par des railleries : il fallait étouffer les mouvements d’impiété que son Athée fait naître dans les Esprits : Mais le Foudre p. […] Je ne vis personne qui eût mine d’honnête homme, sortir satisfait de sa Comédie ; La joie s’était changée en horreur et en confusion, à la réserve de quelques jeunes Etourdis, qui criaient tout haut que Molière avait raison, que la vie des Pères était trop longue pour le bien des Enfants, que ces bonnes gens étaient effroyablement importuns avec les remontrances, et que l’endroit du fauteuilu était merveilleux.