L’on demande une réponse precise ; mais comme j’ai apporté toute la precaution que j’ai jugée necessaire pour ne pas exaggerer le desordre qui s’y trouve, je n’en apporterai pas moins à vous répondre sur ce chapitre ; car je dis qu’il n’en est pas de ces sortes de choses, comme des actions qui sont expressement contre la Loy de Dieu, où il est facile de prononcer définitivement ; mais pour celles qui ne sont défenduës qu’a de certaines personnes, & dans de certaines occasions, cela dépend des suites, & des circonstances, où elles sont plus ou moins criminelles, ou dangereuses. […] Je pretends donc satisfaire suffisamment à vôtre demande, en vous répondant que c’est peché, & même peché mortel à l’égard de plusieurs ; & puisque c’est des circonstances que dépend la décision que vous me pressez de vous donner, sur une chose qui vous tient au cœur ; je vous donne trois ou quatre regles, par lesquelles vous conclurez vous-méme, a quels spectacles il vous est défendu de vous trouver, & quelles sont de personnes qui ne peuvent s’y trouver, sans commettre un grand peché. […] Certes si vous en jugez autrement, c’est la passion que vous avez pour ces sortes de spectacles, qui vous fait fermer les yeux au danger present ; & je ne doute point que vous n’en portassiez tout un autre sentiment, si je pouvois vous découvrir un autre spectacle, plus triste, & plus lugubre, qui est ce qui se passe dans le cœur de ceux qui sortent de ces assemblées, l’esprit rempli de ce qu’ils ont vû & entendu, qui approuvent la vengeance, qu’on leur a fait paroître si juste, qui entrent dans les sentimens d’orgueil & d’ambition, qu’on leur a fait passer pour une grandeur d’ame, & sur tout, qui sont touchez des disgraces d’un Amant maltraité d’une personne fiere, qui n’a pas répondu aux vœux ni aux soins de celuy qui luy a marqué une fidelité, & un attachement si inviolable, ainsi que Saint Augustin le témoigne de luy-même ; on donne des larmes à son infortune, & une feinte passion vivement representée, ne manque guere d’en inspirer une veritable. […] Qui vous répondra que le poison que vous avez pris sans y penser, ne vous donnera point un jour la mort ?