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136. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien troisieme. Le danger des Bals & Comedies découvert par l’Auteur des Sermons sur tous les sujets de la morale Chrétienne de la Compagnie de Jesus. » pp. 26-56

L’on demande une réponse precise ; mais comme j’ai apporté toute la precaution que j’ai jugée necessaire pour ne pas exaggerer le desordre qui s’y trouve, je n’en apporterai pas moins à vous répondre sur ce chapitre ; car je dis qu’il n’en est pas de ces sortes de choses, comme des actions qui sont expressement contre la Loy de Dieu, où il est facile de prononcer définitivement ; mais pour celles qui ne sont défenduës qu’a de certaines personnes, & dans de certaines occasions, cela dépend des suites, & des circonstances, où elles sont plus ou moins criminelles, ou dangereuses. […] Je pretends donc satisfaire suffisamment à vôtre demande, en vous répondant que c’est peché, & même peché mortel à l’égard de plusieurs ; & puisque c’est des circonstances que dépend la décision que vous me pressez de vous donner, sur une chose qui vous tient au cœur ; je vous donne trois ou quatre regles, par lesquelles vous conclurez vous-méme, a quels spectacles il vous est défendu de vous trouver, & quelles sont de personnes qui ne peuvent s’y trouver, sans commettre un grand peché. […] Certes si vous en jugez autrement, c’est la passion que vous avez pour ces sortes de spectacles, qui vous fait fermer les yeux au danger present ; & je ne doute point que vous n’en portassiez tout un autre sentiment, si je pouvois vous découvrir un autre spectacle, plus triste, & plus lugubre, qui est ce qui se passe dans le cœur de ceux qui sortent de ces assemblées, l’esprit rempli de ce qu’ils ont vû & entendu, qui approuvent la vengeance, qu’on leur a fait paroître si juste, qui entrent dans les sentimens d’orgueil & d’ambition, qu’on leur a fait passer pour une grandeur d’ame, & sur tout, qui sont touchez des disgraces d’un Amant maltraité d’une personne fiere, qui n’a pas répondu aux vœux ni aux soins de celuy qui luy a marqué une fidelité, & un attachement si inviolable, ainsi que Saint Augustin le témoigne de luy-même ; on donne des larmes à son infortune, & une feinte passion vivement representée, ne manque guere d’en inspirer une veritable. […] Qui vous répondra que le poison que vous avez pris sans y penser, ne vous donnera point un jour la mort ?

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