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125. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE X. » pp. 171-209

Pour répondre à cette objection il faut supposer, Mademoiselle, deux sortes de scandale : celui que l’on recherche & celui que l’on rencontre par hasard : celui-ci n’est pas un crime, dès que l’on use de son droit, & qu’on ne peut l’éviter, c’est assez de combattre & de s’armer de force & de courage au moment de la tentation. […] Il vous répondra : c’est1 le consistoire de l’impureté, un lieu où l’on approuve des libertés qu’on n’oseroit se promettre ailleurs ; où l’on voit des femmes se produire en public avec moins de honte qu’elles ne feroient dans le sécret de leur maison, & avec une contenance dont elles rougiroient en tout autre endroit que sur un Théâtre. […] Ecoutons encore Tertulien, Mademoiselle, c’est lui qui s’est chargé de répondre : quiconque jouit1 tranquillement du Spectacle, sans s’écarter en apparence des Loix de la modestie, étant retenu par son âge ou par sa dignité, ou par la sévérité de son caractère, n’est pas aussi insensible au fond de l’ame, qu’il veut bien le supposer ; courroit-il à l’Amphithéâtre avec tant d’empressement, s’il ne prenoit aucune satisfaction à voir ce qui s’y passe : ce plaisir suppose l’affection & le consentement de la volonté, le mal a des progrès successifs, le poison ne fait pas son effet sur le champ, mais peu-à-peu, c’est une sémence qui demeure quelque tems en terre, & qui produit à la fin des fruits de mort, ut fructificent morti 1.

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