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37. (1665) Observations sur une comédie de Molière intitulée Le Festin de Pierre « Observations sur une comédie de Molière intitulée Le Festin de Pierre » pp. 1-48

Si le dessein de la Comédie est de corriger les hommes en les divertissant, le dessein de Molière est de les perdre en les faisant rire ; de même que ces Serpents, dont les piqûres mortelles répandent une fausse joie sur le visage de ceux qui en sont atteints. […] C’est par ces degrés que Molière a fait monter l’Athéisme sur le Théâtre, et après avoir répandu dans les âmes ces poisons funestes, qui étouffent la pudeur et la honte ; après avoir pris soin de former des Coquettes, et de donner aux filles des instructions dangereuses ; après des Écoles fameuses d’impureté, il en a tenu d’autres pour le libertinage, et il marque visiblement dans toutes ses Pièces le caractère de son esprit : il se moque également du Paradis et de l’Enfer, et croit justifier suffisamment ses railleriesDans sa Critique. […]  : un Libertin qui séduit autant de filles qu’il en rencontre : un Enfant qui se moque de son Père, et qui souhaite sa mort : un Impie qui raille le Ciel, et qui se rit de ses foudres : un Athée qui réduit toute la Foi à deux et deux sont quatre, et quatre et quatre sont huit : un Extravagant qui raisonne grotesquement de Dieu, et qui par une chute affectée « casse le nez à ses argumentsj » : un Valet infâme fait au badinage de son Maître, dont toute la créance aboutit au Moine Bouru : « car pourvu que l’on croie le Moine Bouru, tout va bien, le reste n’est que Bagatellek » ; un Démon qui se mêle dans toutes les Scènes, et qui répand sur le Théâtre les plus noires fumées de l’Enfer : et enfin un Molière pire que tout cela, habillé en Sganarelle, qui se moque de Dieu et du Diable ; qui joue le Ciel et l’Enfer, qui souffle le chaud et le froid, qui confond la vertu et le vice : qui croit et ne croit pas, qui pleure et qui rit, qui reprend et qui approuve, qui est Censeur et Athée, qui est hypocrite et libertin, qui est homme et démon tout ensemble : « un Diable incarné Dans sa Requête. […] Et néanmoins, malgré tous les soins de ce grand Prince, elle retourne aujourd’hui comme en triomphe dans la ville Capitale de ce Royaume, elle monte avec impudence sur le Théâtre, elle enseigne publiquement ses détestables maximes, et répand partout l’horreur du sacrilège et du blasphème : Mais nous avons tout sujet d’espérer que ce même Bras qui est l’appui de la Religion, abattra tout à fait ce Monstre, et confondra à jamais son insolence.

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