C’est d’après ces documents certains, dont le principal est le fait incontestable que l’irréligion et l’immoralité ont commencé à croître et s’étendre plus sensiblement chez nous, comme chez les autres, à dater de l’époque des plus fortes des leçons satiriques données en leur faveur, sous la forme dramatique ; c’est d’après ces documents, dis-je, qui, abstraction faite de tout ce qui a été dit pour et contre sur cette question, m’ont mis à portée de comparer les temps, d’apprécier moi-même les causes qui ont agi sur les mœurs aux différentes époques, par le rapprochement des effets, que j’ose avancer et entreprendre de prouver à mon tour et à ma manière, sans prétendre le faire mieux que mes prédécesseurs, mais, pour appuyer leur jugement, que l’amalgame ou le concours irrégulier de la joyeuse et attirante instruction théâtrale avec le sérieux, l’austère et premier mode d’instruction et de réformation, a été funeste à celui-ci ; qu’il l’a d’abord fait négliger et ensuite étouffé ou paralysé presque entièrement en le suppléant fort mal, en le remplaçant comme un étourdi spirituel et malin remplacerait un patriarche grave et prudent. […] Je prie d’observer aussi que je ne me suis permis cette discussion tardive ou réchauffée sur cet auteur respectable, dont on ne peut lire les principaux ouvrages sans admiration, qu’enhardi par la pensée que malgré tout ce qui en a été dit, on pourra encore le discuter sous quelque rapport, même dans des siècles, comme nous le faisons tous les jours des anciens auteurs grecs et latins les plus fameux ; et me sentant d’ailleurs soutenu, quant au fond, par de grandes autorités, par celles de Labruyère, de Racine, du président de Lamoignon, de Bourdaloue, des savants de Port-Royal et d’autres, qui en ont parlé dans le même sens, qui ont combattu la comédie en question à sa naissance, et l’ont jugée dangereuse unanimement, par des présomptions, par des calculs de probabilité seulement, et sur qui j’ai donc l’avantage du temps, de plus longues observations, des faits, ou de raisons positives, en un mot, de l’expérience.