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48. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre II. Suite d’Elisabeth d’Angleterre. » pp. 33-82

Elle en plaisantoit ouvertement, & en effet cette qualité ridicule est opposée non-seulement au Christianisme qui n’a jamais connu qu’un Chef universel, mais à son propre système d’indifférence ; car si on est libre d’embrasser la Religion que l’on veut, selon la conscience, comme nous avons vu. […] Elle ne voulut pas même prendre la qualité de Chef de l’Église Anglicane comme son père ; mais le titre plus modeste, disoit-elle, de Gouvernante, fausse subtilité, ou peut-être rafinement de vanité ; un Gouverneur a plus d’autorité qu’un simple Chef qui peut n’en avoir aucune. […] La France n’a jamais disputé au Pape la qualité de Chef de l’Église ; sa primauté de droit divin est de foi, mais ne lui donneroit pas celle de Gouverneur ; cependant comme cette supériorité spirituelle flattoit la vanité de la Reine, qu’elle lui devoit la légitimité de sa naissance ; puisqu’Henri VIII ne prononça qu’en qualité de Chef de l’Église la dissolution de son premier mariage Elisabeth sacrifioit sa prétendue modestie à son intérêt ; elle fut si jalouse de la Suprématie qu’elle en fit prêter le serment à tout le monde, & qu’il en coûta la vie à plusieurs de ceux qui refusèrent de la reconnoître. […] La Gouvernante de l’Église Anglicane ajoutoit à son sexe la glorieuse qualité de bâtarde adultérine, solennellement déclarée par trois Souverains ses prédécesseurs, & par le Parlement. […] Ce trait dont les plus belles qualités ne peuvent effacer la honte, suffiroit pour la déshonorer, il n’est pas douteux que cet exemple détestable n’ait enhardi quelques années après Olivier Cromvel à faire mourir sur un échaffaud le petit-fils de Marie, Charles I, le Chef des Anglois dans le goût d’Elisabeth, étoit plus grand homme qu’elle.

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