/ 301
213. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [A] » pp. 297-379

Je pense le contraire, Madame ; j’ai toujours oui dire que le Public de la Capitale dédaignait aujourd’hui les Pièces de pure intrigue ; que le plus grand nombre des Spectateurs était révolté, lorsqu’on hazardait celles que vous rangez sous votre dernière Classe comme absolument à rejeter. […] Vous conviendrez, mon ami, que si la source en est pure, l’écoulement le sera : partons de ce principe : Une Pyrrhique honnête (je n’en admets que de telles) mais savante, expressive, précédera Mérope, dont elle aura dessiné les situations : de jeunes & vertueuses Citoyennes y laisseront, à la vérité, voir la finesse de leur taille, les grâces & la souplesse de leurs mouvemens ; de Jeunes-gens bien faits y déploieront tous les talens qu’ils tiennent de la nature & de l’art ; ils plairont tous : mais, mon ami, quelle différence de ce qu’inspirera cette Jeunesse considérée, honnête, respectée au fond de tous les cœurs, d’avec ce que peuvent faire sentir des Baladins, des femmes dérèglées ? […] Les mœurs de nos Acteurs seront pures : quel est le Jeune-homme, la Jeune-fille, connus, estimés d’une Ville entière, qui oseront se manquer à eux-mêmes* ? […] La réalité des Mariages succédant souvent au jeu de la Comédie : d’heureux parens s’ennivrant les premiers de la fumée de l’encens prodigué à leurs fils, à leurs filles : une bouche honnête, jamais souillée ; un cœur innocent & pur, d’accord pour dire un Je vous aime, qui portera dans l’âme des Spectateurs, non des desirs effrénés, mais, une douce, une délicieuse émotion. […] Si l’amour de la gloire fait les Héros, les grands Citoyens ; le mépris des jugemens des hommes fait les grands scélérats, les débauchés, les prostituées Ce sera donc un des plus considérables avantages du nouveau Théâtre, de mettre dans l’âme de nos jeunes Citoyens, une extrême sensibilité aux applaudissemens, aux louanges, ou au mépris du Public : cet espèce de culte qu’on rend aux Acteurs de profession, ne sera plus en pure perte pour la Patrie ; il aura une utilité réelle, & nous dirons, un jour, comme les Romains, Vincet amor Patriæ, laudumque immensa cupido.

/ 301