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86. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome I « La criticomanie — Autres raisons à l’appui de ce sentiment, et les réponses aux objections. » pp. 154-206

S’il n’était pas assez prouvé que surtout le sujet de la comédie du Tartufe est essentiellement vicieux, que sa représentation n’était propre qu’à frapper de ridicule la pratique des vertus, à nous en faire honte, à nous démoraliser, on pourrait jeter un nouveau jour sur cette question, et achever de rendre sensible le défaut radical que j’y relève, en faisant un rapprochement entre cette pièce et d’autres du même genre. […] que votre manière d’agir ne ressemble pas non plus à la sienne ; faites un usage raisonnable de vos richesses, ne soyez pas aussi avide ou si passionné à les accumuler, ne tenez pas aussi honteusement à des biens superflus ; employez-en du moins une partie à faire des bonnes œuvres, à prouver que vous êtes bon citoyen, bon père et bon ami, et surtout à soulager ceux qui manquent du nécessaire ; ils vous béniront, et vous recevrez de tout le monde les louanges dues à un homme sensible et libéral. […] ne paraissez pas plus marcher sur les traces de ces hommes ombrageux et aveuglés par leur passion ; modérez la fougue de vos sentiments tendres, repoussez par un air calme les méchants et leurs propos malins, ne vous faites pas remarquer, ne vous affichez point par des plaintes éclatantes, ou des démarches insensées, ne laissez même pas apercevoir vos inquiétudes, si vous en avez ; mais faites avec prudence tout ce qui dépend de vous pour prévenir le mal ; soutenez la faiblesse de votre épouse contre les séductions qui l’entourent, écartez tout doucement les dangers qui la menacent, encouragez-la, répétez lui souvent que sa vertu vous est bien chère, qu’elle fait votre bonheur, comme elle vous porte à faire le sien, ce que vous devez lui prouver par vos bons procédés, et puis observez-la silencieusement, croyez à son innocence jusqu’à ce que vous ayiez acquis la preuve certaine de votre malheur, que, selon les circonstances, en homme sage, vous dévorez encore secrètement, et vous ne serez jamais regardé comme un jaloux ; parce que vous n’en aurez aucune apparence.

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