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15. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — PREMIERE PARTIE. Quelle est l’essence de la Comédie. » pp. 11-33

Cette maxime leur enseigne à semer quelques fleurs sur le chemin de la sagesse & de la vertu, dans lequel ils veulent les faire marcher : cette maxime condamne ces maîtres durs & impérieux, qui dégoûtent de faire le bien par la maniere dont ils le dépeignent, & qui semblent avoir moins à cœur d’inculquer dans l’esprit de leurs Disciples les divines leçons de la sagesse, que de leur prouver qu’ils sont eux-mêmes des sages par excellence. […] Le moyen le plus sûr pour y parvenir, est sans doute de leur prouver qu’ils ont tort d’être comme ils sont : la méthode la plus efficace pour faire cette preuve, est d’exposer d’après nature le vice avec ses suites funestes, & de laisser les Spectateurs les maîtres d’y ajouter le ridicule, s’ils en ont envie : j’ai donc eu raison d’établir qu’il est de l’essence de la Comédie de peindre les Mœurs d’après nature, & qu’elle s’éloigne de son but, lorsque ses traits tombent plutôt sur la maniere d’être des Mœurs, que sur le fond des Mœurs. […] Marmontel réduit à rien les vices qui sont du ressort de la Comédie, ce qui ne prouve pas qu’il ait beaucoup approfondi le sujet qu’il traite ; car il ne peut pas disconvenir que la Comédie doit corriger les Mœurs : or de quelle importance sera une correction qui tombera sur des Mœurs ou des défauts qui ne seront ni affligeans, ni révoltans, ni dangereux ? […] Marmontel de prouver que Tartuffe est ridicule, ou il peut se flatter d’avoir une grande disposition à saisir le ridicule, s’il en trouve dans ce personnage : pour moi je ne crois pas être seul de mon avis, quand je dis que Tartuffe est odieux d’un bout de la piece à l’autre ; la Comédie de l’Imposteur est cependant, à ce que je crois encore, une vraie Comédie ; donc les vices odieux sont du ressort de la Comédie.

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