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14. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre VIII. Réfléxions sur le plaisir qu’on ressent à la représentation d’un Poème comique, & sur la douleur qui déchire l’ame des Spectateurs d’un Drame sérieux. » pp. 113-123

Disons encore plus à la louange de notre espèce, & cette réfléxion regarde particulièrement la Tragédie ; par un penchant naturel, qui subsiste toujours en nous malgré nos vices, & qui prouve que nous sommes faits pour vivre en société ; ce n’est pas seulement aux incidens, aux malheurs réels, que nous voyons arriver sous nos yeux, que nous prenons vivement part ; dès qu’on nous peint avec des couleurs vraisemblables, ou avec un crayon énergique, des revers auxquels l’on peut être sujet, nous sommes émus & affectés. […] Nous voulons être accablés d’une douleur qui nous laisse une sombre mélancolie ; nous nous indignons, pour ainsi dire, qu’on essuie trop-tôt des larmes qui prouvent notre humanité. […] Ce que je vais de dire sert à prouver la vérité de cette maxime, sur laquelle les Savans ont tant disserté & nous indique peut-être à quoi son Auteur l’appliquait particulièrement.

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