Le françois fard, que Menage fait venir de fucus, & Caseneuve du mot allemand fard, qui signifie couleur, n’a été d’abord employé que dans le propre pour désigner les couleurs artificielles qui changent ou rehaussent le teint des femmes, & que le désir de plaire porte dans le monde à un excès dégoûtant & pernicieux, qui nuit plus qu’il ne sert à leurs intentions. L’usage dans l’une & dans l’une & dans l’autre langue l’a trensporté du propre au figuré ; par une comparaison très-juste & très-naturelle, on l’a étendu à toutes sortes de déguisemens affectés : on dit un style fardé, une éloquence, une poësie, une vertu fardée, comme on dit un visage fardé. […] Les contes de Lafontaine, si propres à corrompre, sont incomparablement plus pernicieux sur la scène que dans son livre, & c’est la malheureuse manie du sieur Sedaine & de bien d’autres comiques, de donner une existence, une vie, une action precisément à ce qu’il y a de plus mauvais dans ces trop célebres conteurs ; ils vont tirer de cet arcenal des passions des armes meurtrieres, qu’ils mettent tout dans la main des acteurs & des actrices, pour blesser les cœurs innocens ; ils ont soin de choisir les glaives les plus tranchans, & emploient tout leur art à les aiguiser.