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37. (1758) Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres « Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres, ou sur les moyens de purger les passions, employés par les Poètes dramatiques. » pp. 3-30

Or, par une suite de cette inutilité même, le théâtre qui ne peut rien pour corriger les mœurs, peut beaucoup pour les altérer. » Vous établissez, par plusieurs exemples, bien choisis à la vérité, que la plupart de nos Poèmes ne sont aucunement propres à rendre les hommes plus vertueux, ni à réprimer leurs passions : mais vous auriez dû ajouter, ce me semble, avec la vérité sévère et impartiale dont vous faites profession, que dans plusieurs drames anciens et modernes, il y a d’excellentes leçons de vertu ; leçons sublimes et touchantes, plus propres à attirer les hommes à la vertu, et à les arracher aux passions, que tous les traités de morale faits ou à faire. […] Quant à ce que vous dites de Thyeste, qui a trouvé grâce devant vos yeux, comme devant ceux d’Aristote, je vous avouerai encore que l’avis de ce Philosophe ni le vôtre même ne peuvent l’emporter sur les raisons que Corneille6 a eues de regarder ce personnage comme peu propre au théâtre. […] Ce n’est point ici le vice forcé à reconnaître l’empire de la vertu ; c’est la vertu mise aux épreuves les plus cruelles, luttant contre elle-même, triomphante par ses propres forces, et supérieure à l’infortune : il faut lire la scène même, pour en bien concevoir tout le mérite. […] Examinons présentement « si les Poètes comiques n’ont trouvé que dans le vice un instrument propre à réussir, et si leur théâtre est une école de mauvaises mœurs. » Vous y voyez, avec plaisir, des Constance et des9 Cenie : pourquoi ces grands modèles ne seraient-ils point imités ? […] [NDA] Je m’étendrai cependant sur plusieurs articles beaucoup plus qu’il ne serait nécessaire, si je n’avais à persuader que des philosophes comme vous, parce que j’écris pour tous ceux qui fréquentent notre théâtre, et que j’ai dû également leur épargner la peine de consulter eux-mêmes les ouvrages que je cite ; et les mettre en état de juger, entre nous, d’après leur propre sentiment.

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