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143. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — TROISIEME PARTIE. — Tragédies à conserver. » pp. 128-178

De plus, cette passion excite différents sentiments et différentes impressions dans les Spectateurs mêmes ; tantôt elle corrige par l’horreur, comme dans Andromaque et autres Pièces du même genre, où les Amants éprouvent les derniers malheurs, et sont punis de leur passion par la perte même de la vie ; tantôt elle corrige par la compassion, comme dans le Cid, où les traverses, qui rendent les deux Amants malheureux, sont d’autant plus propres à corriger, que les Scènes d’amour de la même Tragédie en sont plus capables de corrompre, et le dénouement plus dangereux. […] Dans Manlius Capitolinus je trouve que l’amour de Servilius et de Valérie ne peut être que très propre à corriger. […] De son côté Inès, qui partage les crimes de son Amant, ne fût-ce que parce qu’elle ne les empêche pas, et qui, loin d’exiger de lui de vaincre sa passion, s’abandonne à la sienne propre en épousant Dom Pedre en secret, malgré l’avenir affreux qu’elle prévoyait ; Inès, dis-je, est punie de son aveuglement par la perte de la vie ; et, en mourant, elle ne peut ignorer que, par sa mort, elle prive son Amant de ce qu’il a de plus cher dans le monde. […] Dans Titus et dans Tiberinus, l’amour de la Patrie, ce qu’ils doivent à leur père, le soin de leur propre gloire, tout est faible et impuissant contre l’excessive passion qui les domine et qui subjugue leur cœur et leur esprit : cette passion est punie, comme elle le mérite, par la mort des deux frères ; et c’est là le cas unique où l’on peut, sans risque, la représenter sur le Théâtre.

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