Mais vous me direz peut-estre, mon Pere, les Muses Françoises sont bien plus chastes que les Muses Grecques & Romaines, elles n’ont point l’humeur cõquête, ny lascive de l’ancienne Thalie, le theatre est maintenant purifié de toutes les ordures qu’il avoit tiré des Payens ; & nos Poëtes qui font profession du Christianisme ne nous donnent plus que des pieces saintes & honnêtes, dans lesquelles on voit toûjours la vertu triomphante, & le vice abbattu. […] ; parce que j’estime qu’il n’est point convenable ny à la majesté de Dieu, ny à la discipline de l’Evangile, que l’honneur de l’Eglise soit ainsi offencé, & sa pureté fletrie par la communication avec des gens dont la profession est si infame & le métier si contagieux. […] M. s’il vous reste encore dans le cœur quelques sentimens de pieté & de Christianisme, ne laissés point corrompre vôtre jugement par le mauvais goût du siecle, & que le plaisir de la comedie (que j’appelle un plaisir enchanté, parce qu’il vous trompe & entraîne par des prestiges secrets, & par une fascination dangereuse, fascinatio nugacitatis , l’appelle le Sage) que ce plaisir dis-je ne suborne point vôtre raison, cõtre vôtre conscience ; mais que tout le monde connoisse que vous ne cachés point les restes du paganisme, sous la profession apparente de Chrétien. […] QVand je considere l’état d’un Chrétien je trouve que tout ce qu’il y a de plus grand & de plus inviolable dans sa profession, l’oblige à une parfaite innocence de vie, & à une eminente sainteté de mœurs. […] Enfin, erubescant ordines omnes, que tous ceux qui font profession de pieté & de Christianisme, rougissent de ce que des yeux qui ne devroient contempler que le Ciel, ou pleurer leurs crimes, s’ouvrent pour contempler de foles & dangereuses representations, qui leur font commettre de nouveaux crimes.